vendredi 13 juin 2014

La sécurité sociale en tant que demandeur d'emploi

Demain, ça fera un an que j'ai passé mon dernier jury et que je suis "en vacance". En stage d'insertion professionnelle, en fait. J'ai eu bien le temps depuis d'analyser toutes les aides auxquelles j'ai droit et comment obtenir celles auxquelles je n'ai pas encore accès.

Je reviendrai plus en détail dans un autre billet sur mon parcours personnel durant cette période. Juste pour donner un peu de contexte, lorsque je commence à réfléchir à tout ça j'ai 22 ans, je viens de terminer mes études, et je me renseigne pour savoir à quoi j'ai droit. Et le parcours classique, sauf si on trouve du travail avant (ce qui est l'idéal), ça se passe comme ça :

  1. On termine officiellement son année d'étude en cours (logiquement, le 30 Juin en première session).
  2. On s'inscrit comme demandeur d'emploi (ça se fait en ligne et ça prend cinq minutes).
  3. Le stage d'insertion professionnelle commence à la date d'inscription (ou au 1er Août qui suit si on le fait en Juillet ou avant).
  4. Après environ un mois, on reçoit un courrier du Forem pour expliquer comment ça se passe, et on est convoqué pour un entretient informel et recevoir une farde pleine de conseils pour trouver du travail facilement. Éventuellement, d'autres rencontres sont planifiées.
  5. On cherche du travail.
  6. Durant le 7ème mois du stage d'insertion, on est convoqué par l'ONEM pour une première évaluation des efforts de recherche d'emploi.
  7. On continue à chercher du travail.
  8. Durant le 11ème mois du stage d'insertion, on est convoqué par l'ONEM pour une seconde évaluation. Si les deux évaluations sont positives, le droit à des allocations d'insertion est ouvert (sinon, le stage d'insertion est prolongé et on est convoqué une troisième fois, voire plus, jusqu'à recevoir deux évaluations positives).
  9. Après 310 jours ouvrables de stage d'insertion (avec 52 dimanches, ça fait quasiment un an calendrier), le stage prend fin (si on a les deux évaluations positives).
  10. On peut alors demander des allocations d'insertion en s'inscrivant à une caisse de paiement (un syndicat ou la CAPAC). Le montant de ces allocations dépend de l'âge et de la situation familiale, est versé tous les mois sur votre compte bancaire, et varie en fonction du nombre de jours ouvrables dans le mois (le montant est calculé par jour).
Pour résumer, tu passes d'abords un an à chercher du travail sans avoir rien en retour qu'un peu d'aide, et si on estime que tu as bien cherché du travail mais que tu n'en as pas trouvé tu as droits à des allocations d'insertion. Les allocations de chômage, c'est pour plus tard, quand tu auras travaillé suffisamment.

Histoire d'aider un peu ceux qui n'y ont encore jamais eu affaire, voici mon opinion sur ces organismes. Le Forem (ou Actiris), c'est des gentils. Leur but, c'est de t'orienter pour t'aider à trouver du travail ou des formations. Ça dépend toujours de la personne sur qui tu tombes, mais moi j'ai pu leur parler de mes "optimisations" sans détour, ça les enchantait plus qu'autre chose de voir quelqu'un qui sait ce qu'il fait. Ils sont là pour aider, profitez-en.

L'ONEM, c'est des bureaucrates. Ils ne sont ni méchants, ni gentils. Leur but est de vérifier que vous remplissez tous les critères pour vous donner ce que vous demandez, généralement une allocation. Quoi que vous fassiez, si vous le faites honnêtement, vous ne devriez pas avoir de problème. Le tout est de bien documenter ce que vous faites pour qu'ils puissent, notamment, évaluer vos efforts de recherche d'emploi correctement. Maintenant, si vous demandez des allocations et que vous ne foutez rien pour trouver du travail, c'est eux qui vont vous mettre des évaluations négatives et refuser de vous donner vos allocations ... Mais c'est normal, non ?

Les syndicats, ce sont des associations de travailleurs qui défendent leurs droits collectivement contre les vilains patrons libéraux esclavagistes. Je caricature à peine. Je dirais qu'il n'est nécessaire de s'affilier que si on en ressent le besoin. Je pense personnellement que je devrais toujours être en mesure de négocier mes conditions de travail à tous points de vues, sinon le job ne m'intéresse pas. Et si je suis en mesure de le faire, je n'ai pas besoin d'aide, et donc pas besoin de syndicat. Maintenant, si vous êtes orienté dans une carrière où, pour une raison ou pour une autre, vous vous estimez en position de faiblesse par rapport à votre employeur (notamment si votre employeur est une grosse multinationale que vous ne rencontrerez jamais en personne), vous devriez probablement vous syndiquer pour assurer la défense de vos droits. Je ne peux pas aider sur le choix d'un syndicat, mais si vous n'en avez pas l'utilité il faut s'inscrire à l'organisme de paiement indépendant CAPAC. C'est à votre syndicat (ou à la CAPAC) que vous devrez rendre vos fiches de pointage comme demandeur d'emploi, et ce sont eux qui vous paieront vos allocations, une fois que l'ONEM aura déterminé que vous y avez droit.

En tout cas, quoi qu'il arrive, même si vous avez déjà un contrat en vue en sortant de vos études, inscrivez-vous comme demandeur d'emploi le plus vite possible. C'est important d'être dans le système pour être protégé en cas d'imprévu. Et les imprévus incluent les changements de lois du genre "pour avoir droit à ça, il faut s'être inscrit comme demandeur d'emploi avant telle date". Ce serait bête de laisser passer un jour pour rien, sous prétexte que ça ne vous apporte rien aujourd'hui.

Optimiser les revenus possibles


Ça, c'est pour le stage d'insertion, c'est ce qui me concernait alors. Mais j'ai très rapidement compris que pour recevoir des aides intéressantes, il suffit de faire quelques calculs. Mon but n'est clairement pas de devenir chômeur professionnel, mais si j'ai honnêtement droit à une aide de l'état pour laquelle mes parents ou moi avons cotisé depuis que je suis né, j'entends en profiter et ne pas laisser une coïncidence de calendrier m'en priver. Je me renseigne donc au delà du stage d'insertion, et il y a un paquet de paramètres à prendre en compte, l'air de rien. D'abord, pour les allocations d'insertion.

Il y a une différence quasi du simple au double pour le montant des allocations, selon que l'on est cohabitant ou isolé (que l'on habite seul ou pas). Le fait d'être domicilié chez mes parents est donc pénalisant. Mais me domicilier à mon kot ferait perdre à mes parents le droit aux allocations familiales pour un enfant. Comme les allocations familiales continuent durant le stage d'insertion, mais s'arrêtent dès que l'on touche un revenu (comme les allocations d'insertion), il est donc défini qu'il faut que je reste domicilié chez mes parents pour toute la durée de mon stage d'insertion et que je change ensuite de domicile pour obtenir des allocations d'insertion plus élevées. Les formalités pour établir le changement de domicile iront de concert avec l'ouverture d'un carnet de mutuelle à mon nom, notamment.

Pour moi il y a autre chose qui tombe bien grâce à ce timing, spécifique à la commune où je kote. Saint-Gilles lève une taxe sur les résidences non-principales. Pour les étudiants, elle est de 75 € / an, et je la paye tous les ans depuis que je vis là. Cette année de transition, je suis resté sur le même régime, puisque l'exercice comptable de ce régime étudiant (année académique) est superposé avec l'exercice comptable classique (année calendrier). Néanmoins, je recevrai au début de la prochaine année académique une nouvelle demande de paiement de cette taxe, et je ne pourrai plus justifier de mon statut étudiant. Le prix plein est de 1000 € / an ... Heureusement, en me domiciliant là à la fin de mon stage d'insertion, avant la nouvelle année académique, j'évite cette taxe (et il n'y en a pas d'autres au niveau communal pour la remplacer, juste les impôts régionaux et fédéraux pour toute personne qui a son propre domicile).

Aller plus loin


Honnêtement, à ce stade, je n'avais pas réfléchis plus loin que ça. C'est déjà pas mal comme optimisation. Néanmoins, j'ai depuis poussé mon analyse beaucoup plus loin, et tant que je suis dans les détails techniques je vais poursuivre.

Il y a d'abord une première considération à prendre avec les allocations d'insertion. Leur montant est optimisé, mais la durée durant laquelle j'y ai droit importe également. Normalement, on a le droit d'en faire la demande tant qu'on est demandeur d'emploi, que le droit aux allocations de chômage (c'est différent des allocations d'insertion) n'a pas encore été ouvert et qu'on a moins de 30 ans. Ensuite, la durée maximum d'octroi des allocations d'insertion est de trois ans (cette limitation est toute récente et encore susceptible de changer dans les prochains mois avec toutes les réformes en cours, mais c'est ce qui est d'application actuellement et ce sur quoi je me base). Cela veut dire qu'au grand maximum, on peut profiter de ces allocations depuis la veille de son trentième anniversaire jusqu'à trois ans plus tard.

Cela veut dire également que si j'ai la poisse et que je ne trouve pas de travail après quatre ans (un an de stage d'insertion et trois ans en bénéficiant d'allocations d'insertion), la seule aide que je pourrai encore trouver est auprès du CPAS (ce qui est quand même déjà pas mal, je sais que je ne mourrai jamais de faim en Belgique). Mais si je deviens indépendant ou que je trouve du travail ?

Un détail intéressant déjà, pour ceux qui envisagent de devenir indépendant: le stage d'insertion continue lorsqu'on est indépendant, pas quand on travaille comme salarié. Ça veut dire que si je trouve du travail avant la fin de mon stage d'insertion (ce qui est une bonne chose, à priori) mais qu'ensuite je le perd, mon stage d'insertion reprend là où il s'était arrêté. Si je n'ai pas travaillé assez que pour ouvrir mon droit au chômage, je n'ai donc toujours droit à rien avant la fin de mon stage (où j'aurai alors enfin droit à des allocation d'insertion). Par contre, si je deviens indépendant et que j'arrête mon activité, mon stage aura continué d'avancer, se sera probablement terminé, et je pourrai demander directement les allocations d'insertion (si j'y ai toujours droit, notamment si j'ai toujours moins de trente ans).

Ensuite, si je n'envisage pas de devenir indépendant et que je trouve du travail comme salarié ou ouvrier (les fonctionnaires ont des régimes spéciaux que je n'ai pas analysé) après la fin de mon stage d'insertion (et que je bénéficie donc d'allocations d'insertion), l'idéal est de travailler suffisamment longtemps que pour ouvrir le droit aux allocations de chômage. Mais si je ne travaille pas suffisamment longtemps, je retombe sur le droit aux allocations d'insertion (toujours limité à trois ans en tout, et avant mes trente ans).

Maintenant, il faut mettre les allocations d'insertion en comparaison avec les allocations de chômage, pour voir si c'est plus intéressant de conserver le droit à l'un le plus longtemps possible, ou d'essayer d'obtenir le droit à l'autre le plus vite possible. Et le calcul est vite fait. Le calcul pour trouver le montant des allocations de chômage est très compliqué (c'est un pourcentage du dernier salaire obtenu, limité à un plafond, qui diminue avec le temps à une vitesse qui dépend de la durée durant laquelle on a travaillé, jusqu'à toucher un plancher), mais l'intérêt est que le plancher final est quand même sensiblement plus élevé que le montant des allocations d'insertion, on peut encore demander des allocations de chômage après trente ans, et surtout les allocations sont illimitées dans le temps (Il est possible que cette non limitation ne dure pas éternellement, encore une fois à cause des réformes en cours et souhaitées par les politiques. Le montant en lui-même n'est supérieur que de quelques euros et ne fait donc pas une grosse différence avec les allocations d'insertion, mais il est peu probable que la durée passe de illimitée à "suffisamment courte que pour que ça ne soit plus intéressant".). Dans tous les cas, on a donc intérêt à essayer de toucher des allocations de chômage plutôt que des allocations d'insertion si on se retrouve sans travail. Comment faire, donc ?

Ouvrir le droit aux allocations de chômage


En étant salarié ou ouvrier, il faut avoir travaillé un certain nombre de jours durant une certaine période avant de faire la demande. Plus on est vieux, plus il faut avoir travaillé. En ayant moins de 36 ans, le chemin le plus direct pour ouvrir le droit aux allocations de chômage est de travailler 312 jours au cours des 21 mois précédant la demande (et si on y parvient pas, il faut travailler plus de jours en plus de mois). 312 jours, ça fait un an.

En tant que salarié ou ouvrier, ce n'est donc pas très compliqué : il faut essayer de trouver du travail le plus vite possible et de le garder le plus longtemps possible pour avoir la sécurité maximale en cas de coup dur. Honnête. Si on veut devenir indépendant, c'est plus compliqué, car on ne cumule pas pour le chômage en étant indépendant.

En pour être indépendant ?


Il existe tout un tas d'assurances complémentaires très accessibles qui font que le statut d'indépendant en lui-même n'a plus grand chose à envier au statut de salarié ... sauf dans le cas ou l'on cesse son activité et que l'on souhaite revenir à un statut salarié. Dans ce cas, aucune sécurité sociale ... ou presque. En effet, j'ai déjà expliqué que l'on pouvait retomber sur les allocation d'insertion si on a moins de trente ans. Mais si mon activité fonctionne bien pendant plus de huit ans (j'ai vingt-deux ans quand je termine mes études) ? Ne serait-ce pas intéressant de travailler comme salarié pendant un an pour ouvrir mon droit aux allocations de chômage et pouvoir retomber directement sur celui-ci si j'arrête mon activité ?

Ici, les calculs deviennent fourbes. En effet, quelqu'un qui a ouvert son droit au chômage a "le droit" de ne rien faire pendant trois ans (sans toucher d'allocations, hein !) en gardant son droit aux allocations de chômage si on se remet à chercher du boulot ensuite. Cette période est prolongée de douze ans pour les indépendants. Cela veut dire que si j'ouvre mon droit aux allocations de chômage, puis que je deviens indépendant, je conserve mon droit aux allocations de chômage pendant quinze ans en théorie (moins un jour, pour pouvoir encore faire la demande). C'est déjà mieux que la limite de mon trentième anniversaire.

Sauf que si je reste indépendant pendant quinze ans en me lançant à 22 ans, ça me mène à 37 ans. Or, la période de 312 jours où j'aurai travaillé n'est valable que pour le barème des moins de 36 ans. Ça me laisse toujours six ans de plus, mais (même si les lois risquent de changer ...) autant optimiser à fond, non ? De 36 à 49 ans, il faut avoir travaillé 468 jours au cours des 33 mois précédant la demande pour avoir droit aux allocations de chômage. Cela représente 18 mois.

La formule magique


Donc, si le but est de devenir indépendant tout en s'assurant une sécurité sociale optimale en cas d'arrêt de l'activité (à l'époque ce n'était qu'une hypothèse pour moi, mais c'est bien mon objectif à présent), voici le mode d'emploi pour un scénario idéal :

  1. Terminez vos études et inscrivez-vous comme demandeur d'emploi.
  2. Cherchez un travail temporaire et faites-vous engager pour un CDD de 18 mois (de manière à ne pas démissionner ni avoir besoin de vous faire virer, car pour avoir droit aux allocations de chômage il faut avoir perdu son travail "involontairement", donc pas en ayant démissionné).
  3. Devenez indépendant.
Vous allez devoir travailler comme salarié pendant 18 mois alors que votre but est de devenir indépendant, mais l'avantage que vous en tirez n'est pas négligeable. Selon l'âge auquel vous vous lancez, la durée de votre protection peut doubler voire tripler (en vous lançant à 25 ans, vous passez de 5 ans à 15 ans) ...

Faites en sorte que ce travail vous apporte de l'expérience dans votre domaine, ne prenez pas un truc bidon qui vous déplaira juste pour le principe de travailler 18 mois. Vous pouvez éventuellement travailler un peu plus longtemps (24 mois), pour vous mettre à l'abris en cas de changement de lois. N'oubliez pas qu'il est aussi possible de ne travailler qu'un an pour être protégé jusqu'à moins de 36 ans. Sinon, il vous reste les allocations d'insertion jusque moins de 30 ans.

Simple ? Oui. Mais on peut encore beaucoup optimiser ça ! Par exemple :

  1. Terminez vos études et inscrivez-vous comme demandeur d'emploi.
  2. Créez une société.
  3. Faites-vous engager comme salarié par votre société en utilisant toutes les aides à l'emploi et les subsides à disposition (ça fera surement l'objet d'un autre billet).
  4. Payez-vous un dernier salaire, le 18ème mois, de 2466,59 €, soit le plafond maximum pris en compte pour calculer le montant des allocations de chômage.
  5. Devenez indépendant et gérant de votre société, en utilisant les primes et aides pour devenir indépendant.
Bon OK, ça commence à devenir compliqué, mais en faisant ainsi, vous pourrez toucher des allocations de chômage, aussi hautes que possible et à priori illimitées dans le temps, si vous arrêtez votre activité d'indépendant jusqu'à 15 ans après l'avoir lancée, tout en restant maître de votre activité du début à la fin et en ne dépensant pas plus à la base que dans l'hypothèse ou vous vous faites engager temporairement ailleurs. Pas mal, et en tout cas on ne peut pas faire mieux en restant honnête. Si votre activité fructifie pendant plus de quinze ans, à vous de constituer une épargne pour retomber sur vos pieds en cas de coup dur, mais vous avez le temps de voir venir.

L'essentiel, je pense, est de rester honnête vis-à-vis de ce que l'on entend entreprendre de sa vie. Tout ça peut sembler un peu compliqué, mais en prenant le temps de bien se renseigner, tout devient clair très rapidement et on peut tirer un réel avantage à ne pas simplement foncer tête baissée vers l'inconnu, même si on ne pousse pas le vice aussi loin que je l'ai fais. Moi, je suis en train de préparer le terrain pour la dernière solution expliquée, et j'ai encore réussi à optimiser cela d'avantage en bénéficiant d'allocations d'établissement, mais je détaillerai cela dans un prochain billet.

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